c'était ma dernière expertise
bon ben nous y voila dans ce nouveau service
oulala ma pauvre tête on ne change pas comme ça de
boulot mon brave monsieur
faut tout refaire à zéro
à mon âge c'est bon pour le ciboulot
qu'ils disent dans les manuels de parfaite gestion de l'entreprise
prônant la mouvance des masses laborieuses afin qu'elles soient plus corvéables à merci
bref j'ai quitté le service assurance spécialité expertise dégâts des eaux
faut que j'assume dorénavant la gestion du service parc auto
seul côté positif pour le moment je suis repassé du côté client alors les gens sont gentils
même qu'à une poignée de journées près j'ai raté,
je ne suis pas encore dans l'organigramme,
la visite du mondial de l'automobile à Paris , gracieusement invité par les fournisseurs
dommage : la frime, les paillettes, les projecteurs et les gloussements empressés de la valetaille mercantlile costumée de gris ou décostumée de soutien gorge affriolant m'auraient fait du bien
l'acheteur aime être flatté pour la beauté de son carnet de commande
aux dégâts des eaux c'est moi que j'étais le fournisseur et pas avare sur la marchandise
ni sur les délais
et une tonne de matière fécale! une! fumante c'est du belge !
on livre à toute heure surtout sur les coups de 3 plombes du mat,
mieux que domino's pizza
tiens que je vous narre the last but not the moins best expertise à laquelle j'ai récemment été convié.
C'est une petite maison perdue dans la prairie pardon c'était !
les ZAC, ZIRST,ZUP,ZEP l'ont rejointe
ZUT alors!
Dans les années cinquante eut lieu l'érection de cette maison de bien piètre qualité.
Son géniteur et propriétaire, maintenant au repos dans une espéride locale,
avait dans la foulée conçu un fils de piètre qualité également pour meubler la
petite maison dans la prairie.
Le tout est maintenant devant moi flanqué d'une épouse qui ne dépareille pas
dans la culture locale du navet blafard et d'un expert délégué par leur assurance qui bien qu'austèrement vêtu d'une veste de cuir noir égaye malgré tout l'ambiance pompefunebresque :
comme quoi tout est relatif....
Notre crime : nous avons bien involontairement inondé le sous sol de la masure.
Nous ne savions pas que la flotte est connement soumise aux lois de la
gravitation universelle comme le pastis dans le gosier du poivrot (un volume
pour cinq d'eau merci) et donc en ratant les travaux de raccordement en eau
potable du voisin et ben ça a giclé partout
oh la poirade !
Pas pour tout le monde.
Les dégâts sont minimes mais les lésés entendent bien nous faire payer
un max :
ils tiennent enfin un de ces gredins qui leurs pourrissent la vie.
Car la maison n'a de campagne que l'acceptation militaire du nom : elle est
cernée aux quatre points cardinaux d'une station de lavage en libre service,
d'un garage auto, d'un tôlier et d'un transporteur 24/24 7/7 365/365 !
comme la pub de Tignes pour le domaine skiable ! Classe !
Bon je n'ironise pas pour le moment je compatis...
Jusqu'à un certain point.
Après avoir fait le tour de la maisonnette malmenée, nous nous
asseyons à la table de la salle à manger sauf la maîtresse de maison
qui telle une pionne tournique autour de nous en regardant par dessus nos
épaules les notes croquis calculs et autres fariboles censées soupeser estimer
quantifier l'irréparable outrage infligé à son bien.
L'infâme navet houspille son mari à la moindre faute de français à la
moindre concession à la moindre tentative d'amiablilité
elle tanne l'expert pour qu'il grossisse la facture, pour
qu'il fasse payer les grands les puissants car eux les petits c'est toujours
eux qui raquent et que je t'enfonce le maire du bled et ses copains de la
ZAC, ZIRST, ZEP, ZUT je ne sais plus laquelle, qui construisent polluent
nuisansent sonores sans bourse déliée et que même vous le service des eaux vous
êtes à leurs bottes dès qu'il y a une tranchée à faire, un tuyau à poser : vous
venez à dix avec camion grue tractopelle et pleins de bagnoles au moindre coup de
sifflet de vos maîtres.
Je ne la contredis pas sur ce terrain suranné.
Un ange passe...
Je laisse l'expert se dépatouiller avec sa morue d'assurée.
Par la fenêtre mon regard s'embrouille dans le ciel laiteux de cette fin d'après
midi vendéen.
Je rêvasse pour m'abstraire de la connasse.
Un peu minable cette dernière expertise.
J'en ai connu de plus nobles des problèmes d'hydraulique
Tiens pas plus tard qu'hier, enfin presque, j'arpentais
la fière république algérienne démocratique et populaire pour le compte du
Secrétariat d'Etat à l'Hydraulique, SEH pour les intimes, et au cours de la
visite d'un fort bel ouvrage datant de la période bénie pour les uns honnie
pour les autres de la colonisation le gardien de ce barrage me montra le
fronton de sa maison de fonction où était gravé le sigle SEH, et tout content il
m'expliqua qu'il lui avait suffi de faire un trait dans le C de l'ancien SCH,
Secrétariat à la Colonisation et l'Hydraulique pour se mettre à
l'actualité post coloniale, période bénie pour les uns honnie pour les autres,
m'enfin pas les mêmes....
A l'évocation intime de cette facétieuse historiette
j'émets sans doute un léger rictus de béatitude aggravée par une récente note de frais avinée au resto du coin.
"je n'aime pas votre sourire !"
ça a claqué sec comme un coup de trique, c'est l'emmerdeuse qui a
éructé.
Je refais surface en douceur, le silence est profond,
même pas un zonzon de mouche, normal avec ce qu'elles
endurent depuis le début de cette expertise, elles se protègent l'arrière train.
Je perçois le mari livide plongeant le nez dans ses papelards,
J'entrevois l'expert interloqué le doigt en suspens au dessus de la
calculette rédemptrice,
Je conchie la maîtresse de maison et je me laisse aller.
Oui je souris, madame, de vos requêtes nulles que même
votre expert ne peut pas cautionner sous peine d'être la risée de sa profession.
Vous vous vantez d'utiliser votre puits pour ne payer que le minimum
syndical à la commune, avez vous un dispositif antiretour afin de ne
pas venir polluer le réseau public en cas de pollution de ce puits aux eaux
non contrôlées,
de plus vous rejetez vos eaux sales dans le champ en contrebas de votre maison
faute de mettre une pompe de relèvement pour atteindre le collecteur desservant la
rue qui vous surplombe,
je me laisse aller mais purement technique,administratif, législatif
sans une once de méchanceté... je m'en fous, contrefous.
J’expectore des mois,des années, de diplomatie, de conciliation, de dos courbé, de bienveillance, de geste commercial, et autres trouducuteries de la vie en société.
La dame balbutie des ah, euh,oh, mais il fallait nous le dire, kéceconcrin.
Très digne je signe le devis des travaux de réparations qui nous incombent et je me retire tel giscard se taillant de son bureau élyséen pour cause de plantage aux élections.
La Marseillaise en moins.